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Un Corbeau sous la Lune

Isabelle Patoux / Créatrice de Possibles

Qui suis-je ?

Je suis “slasheuse”… et vous ?

Je suis d’humeur joueuse en ce jeudi matin… Alors jouons voulez-vous?
Je vous propose une partie de “Et si ?”
Et si… Et si ? Et si j’avais la possibilité de revivre… Tiens ! Une période historique ?
Facile : je choisirais sans hésiter la Renaissance… plutôt en Italie d’ailleurs – Question de climat, de paysages (J’adore les cyprès le long des champs de blé, sous un ciel d’azur ! ), de gastronomie locale, tout ça !
Oh, et puis tant qu’à faire… Et si je pouvais décider en quel personnage célèbre je pourrais me réincarner ? Hum… plus difficile, ça ! Giuseppe Arcimboldo ? Il est vrai que j’adore ses portraits qui ouvrent mon imaginaire autant que mon appétit ! Michael-Ange plutôt ? La Chapelle Sixtine hantera toujours mes souvenirs d’adolescente… Botticelli alors ? Oui mais… Ha, non ! Je sais : Léonardo Da Vinci évidemment – LE “slasheur” par excellence !


Je vous entends déjà vous exclamez à travers votre écran : “Le quoi ?”

Ce qui me laisse supposer que vous avez probablement entendu peu de choses sur le “slash career” ou “slashing”, surtout en Belgique.

En revanche, dans le monde anglosaxon – comme souvent quand cela concerne l’entrepreunariat et le monde du travail – le terme est connu depuis une décennie et devient à la mode… Plusieurs ouvrages lui sont dédiés, dont l’excellent One Person/Multiple Careers:The Original Guide to the Slash Career de Marci Alboher, paru en 2007 (et disponible uniquement dans la langue de Shakespeare pour l’instant).
Pourtant, timidement, depuis 2 ou 3 ans, le terme apparaît dans nos paysages mentaux francophones – surtout dans les espaces de coworking, le monde du micro-entrepreunariat ou via les sites / magazines de développement personnel tels que Psychologies ou Flow Magazine.

Alors un “Slasheur / Slasher” ou une “Slasheuse” [a slash, en anglais], qu’est-ce donc ?

Ce terme – parfois remplacé par celui, plus administratif, de “travailleur pluriactif ” ou “polyactif”, ou encore, plus marketing, de “multi-potentiels”, désigne en fait toute personne menant plusieurs activités professionnelles de front.  Le mot fait référence à la barre inclinée du clavier de nos ordinateurs, que nous utilisons pour séparer différents termes entre eux. En France, la “slash career” ou le “slashing” concernerait 4.5 millions de personnes… En Belgique, les statistiques de notre beau royaume n’y font pas encore mention, sans doute parce que cette réalité recouvre bien des statuts différents : employé, indépendant, SPRLU,… (d’ailleurs si quelqu’un peut me communiquer les chiffres, je serais ravie de les intégrer à cet article  😉 ).

Outre le retard de conceptualisation, une autre différence notable se lit au travers des mentalités : en France, ce choix de vie professionnelle est souvent encore présenté comme une contrainte subie de la fin du plein-emploi des “Trente Glorieuses” de jadis : face à la volatilité du marché du travail, à la dématérialisation des services, à la mondialisation de l’économie et aux délocalisations, beaucoup de travailleurs sont obligés de prendre un second emploi pour arriver à joindre les deux bouts. Le slasheur est donc celui qui cumulent des “petits boulots instables”, à temps partiel, en freelance, qui monétise un hobby comme seconde source de revenus… C’est l’autoentrepreneur / l’indépendant qui garde un CDI à mi-temps, “juste au cas où” ou histoire de pouvoir “boucler sa fin de mois”. C’est l’employé de bureau qui est informaticien freelance le soir et les weekends ou l’infirmière qui jongle entre sa vie de famille et sa passion pour la macrophotographie. Psychologies Magazine insiste sur le manque de statut et de reconnaissance de ces travailleurs ainsi que sur leur difficulté à se présenter dans le monde du travail ou en privé. Il est vrai que, dans nos sociétés occidentales en constante mutation technologique, tout va tellement vite qu’il est des repères qui rassurent, qui ancrent… Et dans nos sociétés capitalistes, c’est avant tout notre gagne-pain, notre métier qui nous définit en tant qu’individu auprès du reste de la collectivité. Souvent lorsqu’on rencontre quelqu’un pour la première fois, “Tu fais quoi dans la vie ?” fait partie du trio de tête des questions posées pour en apprendre davantage sur la personne, la situer, l’étiquetter [et sans doute serait-il parfois bon de méditer sur ce que propose le psychothérapeute Tihamer Wertz à propos des étiquettes “psychodégradables” mais c’est là un autre débat ]. L’accent est alors mis sur les difficultés inhérentes à ce style de vie professionnelle : l’obligation de savoir s’organiser, la tendance à l’isolement, les risques de burn-out, la difficulté à se concentrer sur un projet précis ou l’incapacité à choisir un domaine de compétence, le caractère dilletante ou immature de certains slasheurs, …

Et sans doute est-ce une vision de la réalité… dans laquelle tous les slasheurs ne se retrouvent pas.

Outre-Atlantique, en revanche, le slashing est perçu comme une opportunité de faire coincider la réalité économique avec ses passions, de refléter toute la complexité de chaque individu, adapter sa vie professionnelle à sa vie privée, gagner mieux sa vie ou s’épanouir davantage grâce à ses différentes “casquettes” ou centres d’intérêts.  La part grandissante de travail « dématérialisé » dans nos économies informatisées et de services permet d’autant plus de jongler avec différentes activités puisque beaucoup de tâches peuvent à présent s’effectuer à n’importe quel moment, depuis n’importe quel endroit de la planète disposant d’un ordinateur et d’une connection Internet. Ainsi, parmi la jeune génération, les « slashes », “hybrids” ou “hyphenates” [littéralement “les gens au trait d’union”] deviendraient la règle. Même si certains employeurs “plus traditionnalistes” ont encore des difficultés à les cerner ou à les prendre au sérieux ; d’autres, tels que le CEO William Vanderbloemen, osent prendre la plume dans le magazine Forbes pour les défendre en tant que véritable plus-value pour les entreprises : “motivés, ils prennent des initiatives, ils sont épanouis et créatifs …  et cette créativité rejaillit dans le travail mené au sein de l’entreprise”. Le profil devient donc recherché… comme le postule un article récent de la Harvard Business Review.

Il faut dire que les slasheurs ou slasheuses qui assument leurs slashes – un peu comme Marielle Barbe ou Marie-Laure Staudt en France – mettent l’accent avant tout sur une cohérence, une identité qui leur est propre et qui unifie toutes leurs casquettes. Tous et toutes insistent sur ce que disait déjà Léonard Da Vinci (qui fut architecte / ingénieur militaire / mathématicien / peintre / sculpteur / auteur,… ) à propos de son art et de ses sujets de recherche ( la dissection / l’anatomie / la botanique / la géologie / la zoologie / l’hydraulique/ l’aéronautique / physique… ) : chaque carrière nourrit et enrichit les autres… un peu comme une “pollinisation croisée” entre chaque identité professionnelle. Ainsi les compétences acquises dans un domaine peuvent servir à un autre, le réseau créé grâce à une première activité permet de développer le potentiel client de la seconde, les idées de projet rebondissent et s’entrecroisent,  …

En découvrant l’univers du slaching grâce au Flow Magazine, puis en me plongeant dans les différentes lectures renseignées au fil de cet article, j’ai réalisé que le dessinateur de “L’Homme de Vitruve” et moi-même fonctionnons de la même manière.
Un peu comme si mon esprit avait enfin mis un mot sur une idée qui essayait de germer en moi depuis des années.
Oui, des années ! Des années que je bataille avec l’insoluble question : « Que répondre lorsqu’on me demande ce que je fais dans la vie… »… Je me suis toujours sentie coincée par toutes les étiquettes “conventionnelles : je me sentais à l’étroit dans le terme d’ «employée » alors que je passais tout mon temps libre sur la scène d’un théâtre. Je trouvais que « comédienne » était inexact à partir du moment où je travaillais aussi comme chargée de production ou que je faisais du bénévolat dans la Transition. J’ai du mal avec « conteuse » car je crée également des bijoux. Et puis, que dire quand je donne des ateliers et formations… dans tous ces mêmes domaines ? Même si j’ai toujours préféré mettre en avant le verbe plutôt que le nom de mon métier, la rédaction de CV ou de candidature – même pour des emplois artistiques – a toujours été une torture puisqu’elle me renvoie ineluctablement au « titre » à employer. C’est ainsi que se multiplièrent le nombre et la diversité des titres de mes CV : le disque dur de mon ordinateur doit en abriter à peu près autant que d’offres d’emploi, candidatures spontanées ou projets artistiques auxquels j’ai participé.
Alors, jusqu’à découverte du terme “slasheur”, je m’en sortais souvent avec une pirouette et sortais mon jocker, celui de “l’artiste pluri-disciplinaire”. Oh, ça répondait à la question bien sûr… mais que quelqu’un ose me demander « dans quel domaine exactement ? » et voilà qu’était lancé un inévitable débat sur les limites de l’art en général et le contenu des disciplines en particulier ! … Ce qui renforçait la confusion de mes interlocuteurs… et faisait grandir ma frustration puisque, pour clore le débat, il me fallait dire ce que je faisais exactement – du moins, à cet Instant « t ».

Récemment, je me suis inventée un titre, une identité qui recouvrait toutes les autres : «Créatrice de Possibles » – à laquelle j’ai adjoint, encore plus récemment,  « Activatrice d’imaginaire ». Entre les deux, naturellement, sans même y penser, j’ai accolé un « / »… parce que ça me semblait juste.
Et puis voilà qu’est arrivé le « Flow Magazine » dans ma boîte aux lettres…comme le cadeau que je n’attendais plus : la permission d’accoler toutes ces identités, tous ces métiers, toutes ces vocations – pour peu qu’une petite barre les rassemble.

Pour peu que ma curiosité les unifie.

Pour peu que ma créativité leur donne un sens.

Parce que, comme beaucoup – comme tout le monde, je pense – je suis complexe… et que je refuse d’être réduite à une seule étiquette.

Parce que, toute petite déjà, je voulais aller soigner les pandas en Chine ET écrire des histoires dans mon canapé.
Parce que je voulais danser ET jouer du piano.
Parce que je voulais dessiner ET faire du théâtre.
Parce que j’aime conter ET créer des bijoux à base d’objets de récupération.
Parce que j’ai adoré étudier les Sciences-Politiques à l’ULB ET le théâtre à la Kleine Academie.
Parce que j’ai aimé faire du beat-box ET du chant lyrique.
Parce je suis capable de gérer une association ET écrire des contes.
Parce que ça représentait tout ce que j’étais. Parce que ça représente tout ce qui m’a construit.
Parce que c’est comme ça que je fonctionne.
Parce que choisir l’un au détriment de l’autre me coupe d’une partie de moi-même.
Parce que mon côté cartésien, c’est mes racines… et ma créativité, c’est mes ailes. Et que, comme un arbre, j’ai besoin de ma terre et de mon ciel, de mon ancrage et de mes rêves…
Parce Léonard avait raison : la science nourrit l’art… et inversément !

Parce que, en fin de compte… j’ai toujours été une « slasheuse »!

Et vous ?

Vous faites quoi dans la vie… pour le moment ?

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